Les unités de soins intensifs sont des services qui prodiguent des soins de suppléance à une défaillance aigüe, à mi-chemin entre les unités de réanimation et les services de soins généraux hospitaliers. On y dispose de moyens techniques permettant la suppléance de la défaillance d’une seule fonction vitale. On trouve ainsi des unités de soins intensifs pour les grandes spécialités (soins intensifs de neurologie, de néphrologie, de pneumologie, de gastro-entérologie, de cardiologie…).
Focus sur les unités de soins intensifs en cardiologie.
Auteure : Alexandra GARDAIRE
Infirmière DE en soins intensifs de cardiologie
Cadre légal
Les unités de soins intensifs sont prévues pour traiter une défaillance d’une seule fonction vitale, en lien avec la spécialité pour laquelle elle est habilitée à la prise en charge.
Concernant l’USIC (Unité de Soins Intensifs de Cardiologie), le décret en vigueur n°2022-694 du 26 avril 2022 fixe la capacité à un minimum de six lits et requiert forcément une activité de cardiologie dans l’établissement.
Un médecin au moins doit être présent en permanence pour l’unité et doit être spécialisé en cardiologie ou en pathologie cardio-vasculaire. Le ratio patient-soignant non médical est fixé à au moins un·e IDE (Infirmier·ère Diplômé·e d’État) pour une capacité de quatre lits avec un·e AS (Aide-Soignant·e) pour quatre lits de jour et un·e AS pour huit lits la nuit.
Les patients doivent pouvoir être admis dans l’unité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.
Un accès, sur place ou par convention, à une salle de coronarographie doit être possible tous les jours de l’année et à toute heure du jour ou de la nuit. Enfin, une réanimation doit être en lien avec l’unité, soit au sein du même établissement, soit par convention, pour assurer le transfert des patients dont l’état le nécessiterait.
Population, pathologies rencontrées
En USIC, on rencontre une population majoritairement masculine, dans une tranche d’âge assez étendue allant de 40-45 ans jusqu’aux patients très âgés (plus de 95 ans). La proportion de femmes accueillies en soins intensifs de cardiologie tend à augmenter et il n’est pas exclu de voir des patients plus jeunes dans ces unités (à partir de 16 ans, les patients plus jeunes étant pris en charge en cardiologie pédiatrique).
Les patients sont accueillis aussi bien pour des motifs d’urgence tels que le choc cardiogénique et la décompensation cardiaque avec œdème aigu pulmonaire, les troubles du rythme (majoritairement des crises de fibrillation auriculaire) et de la conduction, les motifs thrombotiques tels que la thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire ou la star : le syndrome coronaire (de l’angine de poitrine à l’infarctus du myocarde constitué).
On rencontre aussi des pathologies valvulaires telles que le rétrécissement mitral ou aortique, les pathologies cardiaques inflammatoires (péricardite, myocardite, endocardite), les épanchements péricardiques et les tamponnades. Parfois des cardiopathies congénitales (toutefois, ces patients sont souvent suivis dans des centres spécialisés).
Une partie des patients peut aussi être admise de façon programmée, selon l’activité de l’établissement : pour des surveillances après cardiologie interventionnelle comme certaines revascularisations par angioplastie, après des remplacements valvulaires per-cutanés (comme les TAVI) ou en rythmologie en post ablation de fibrillation auriculaire ou de flutter ou après l’implantation de stimulateurs cardiaques (pour certains cas spécifiques). Les patients présentent aussi d’autres pathologies cardiovasculaires courantes telles que l’AOMI ou les anévrismes aortiques.
Le mode d’admission est donc bien souvent en urgence via SAMU ou par un service d’urgences.
Certains viennent parfois des consultations de cardiologie ou après un examen entraînant la découverte fortuite d’un motif d’hospitalisation en soins intensifs.
Les patients cardiaques présentent souvent les facteurs de risques cardio-vasculaires bien connus tels que le diabète, l’hypertension artérielle, le tabagisme (et/ou l’alcool), la surcharge pondérale, l’hypercholestérolémie, la sédentarité, pathologies que l’on rencontre donc fréquemment en USIC.
L’équipe pluridisciplinaire
Le travail de soignant est toujours un travail d’équipe, a fortiori dans une unité de soins intensifs. Alors qui trouve-t-on aux côtés de l’infirmier·ère dans les USIC ?
Bien sûr, on y trouve le binôme, l’acolyte, j’ai nommé l’aide-soignant·e. Un personnel toujours précieux dont le rôle auprès du patient complète de près celui de l’infirmier·ère et dont la pratique s’enrichit des savoirs spécifiques à l’unité sur les dispositifs médicaux ou sur des procédures techniques. Ses connaissances peuvent aider par exemple à préparer du matériel en urgence lorsque la situation le nécessite et permet à l’infirmière de rester auprès du patient.
La présence d’une secrétaire pour l’unité est toujours une aide appréciée car les séjours sont souvent de courte durée. Les patients nécessitent de nombreux examens au cours de leur hospitalisation qu’il faut coordonner et il faut s’assurer que le patient quitte l’unité avec un suivi médical programmé (dans le cas de plus en plus fréquent de sorties directes d’USIC). Ce n’est malheureusement pas toujours une ressource présente dans les services et c’est alors souvent à l’infirmière que revient la tâche d’organiser les examens et de préparer les sorties.
Les diététicien·ne·s ont une place importante dans le service, le patient cardiaque ayant souvent un cumul de plusieurs facteurs de risques dont nombre d’entre eux peuvent nécessiter un ajustement au niveau de l’hygiène alimentaire (diabète, dyslipidémie, insuffisance rénale, surcharge pondérale…).
Les kinésithérapeutes ont un rôle majeur à jouer afin d’aider la population d’USIC, selon le profil, soit à maintenir un maximum de capacités physiques malgré un alitement (qu’on veillera à faire le plus court possible), soit à encourager à intégrer une activité physique adaptée à sa situation dès le séjour en soins intensifs. La kinésithérapie peut aussi aider les patients à recouvrer une partie de leurs capacités fonctionnelles, dans le cas de pathologies comme l’insuffisance cardiaque qui entraîne un déconditionnement avec une perte des capacités et de fil en aiguille une dégradation de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne. On y aura aussi recours pour de la kinésithérapie respiratoire, parfois dans l’urgence. La possibilité d’un recours à un kinésithérapeute fait partie du cadre légal d’une unité de soins intensifs en cardiologie.
Un psychologue peut être une ressource intéressante et appréciée, la population d’USIC ayant parfois à faire le deuil d’une vie sans maladie, ou à faire face à une dégradation progressive de ses capacités (fréquent chez les insuffisants cardiaques par exemple).
Le cardiologue est bien sûr le chef d’orchestre de tous ces intervenants, épaulé par un encadrement paramédical pour le mangement de l’équipe.
On apprécie toujours aussi d’avoir un·e assistant·e social·e.
Bien entendu, les médecins travaillent avec d’autres spécialités selon les besoins des patients. Ainsi, les spécialistes tels que les pneumologues, les diabétologues, les gériatres, les neurologues, les néphrologues interviennent souvent dans les USIC.
Quels soins spécifiques ?
On retrouve logiquement tous les soins spécifiques à la cardiologie ainsi que des soins techniques :
- Surveillances post opératoires (spécifiques à l’intervention) ;
- Surveillance hémodynamique et rythmologique (connaissances de l’ECG, reconnaissance des rythmes) à l’aide des scopes avec un ECG continu et prise de pression artérielle non invasive ;
- Aide à la pose, surveillance et manipulation de dispositif de pression artérielle invasive ;
- Aide à la pose, surveillance et manipulation de voies veineuses centrales ;
- Soins techniques courants (poses, surveillance, manipulation de voies veineuses périphériques, prélèvements sanguins veineux et artériels) ;
- Surveillance de la diurèse à l’aide ou non de sonde vésicale, surveillance de la fonction rénale ;
- Calculs de doses et de débits simples et complexes ;
- Administration de thérapeutiques par voie orale, veineuse (manipulation de pousse seringue électrique, de pompes régulatrices de débit) et sous cutanée;
- Réalisation de pansements stériles (souvent simples, plus rarement des pansements complexes) ;
- Soins techniques respiratoires (administration d’oxygène aux lunettes, masques moyenne et haute concentration, recours à l’Oxygénothérapie Nasale à Haut Débit, Ventilation Non Invasive, exceptionnellement et pour moins de 48h intubation) ;
- Surveillance de stimulation externe percutanée ;
- Réalisation de cardioversion (choc électrique externe programmé synchronisé) ;
- Manœuvres de réanimations, prise en charge d’un arrêt cardio-respiratoire ;
- Actes d’éducation à la santé, d’éducation thérapeutique et de prévention ;
- Soutien psychologique au patient et à son entourage.
Concernant la pharmacologie, on rencontre fréquemment les familles de médicament suivantes :
- Les antiarythmiques
- Les béta-bloquants
- Les digitalliques
- Les anticoagulants (AVK, NACO)
- Les antiagrégants plaquettaires
- Les diurétiques
- Les antihypertenseurs
- Les inhibiteurs calciques
- Les dérivés nitrés
- Les cathécolamines
(Listes non exhaustives)
Quel rôle spécifique de l’IDE dans cette unité ?
Avant tout et comme dans toute unité, l’infirmier·ère est garant·e de la prise en charge globale des patients qui lui sont confiés. L’IDE est un lien entre chaque intervenant, agissant auprès des patients sur son rôle propre, épaulé·e par l’aide-soignant·e. Son rôle prescrit (administration et surveillance des thérapeutiques, connaissance et application des protocoles de l’unité), coordonne les soins en fonction des examens ou des interventions d’autres professionnels et des besoins du patient.
Pour exercer en USIC, il est préférable d’être à l’aise avec les soins techniques ou du moins d’avoir une appétence pour ces derniers (leur maîtrise pourra s’acquérir à force de pratique mais il faut être prêt·e à s’y confronter).
Il est toutefois préférable de ne pas négliger l’aspect relationnel car c’est une population de patients soumise à un stress et une anxiété intenses, liés à la pathologie et au motif d’admission. Les patients arrivent souvent en urgence dans l’unité, après une symptomatologie angoissante (malaise, douleur intense et/ou constrictive, dyspnée de repos…). Certains dispositifs sont aussi particulièrement anxiogènes comme le recours à la ventilation non invasive. Il est donc préférable d’avoir des qualités d’écoute et de réassurance et d’être à l’aise dans l’exercice car c’est un patient qu’il faudra aider à gérer son anxiété.
La réussite du traitement et la compliance aux contraintes des soins intensifs passent par la mise en place d’une bonne alliance thérapeutique qui sera le fruit d’un travail d’équipe qui inclut le patient. Il ne faut pas oublier non plus de prendre en compte l’entourage du patient et rester attentif·ive à son ressenti. En cas de besoin, il est aussi possible de faire intervenir un·e psychologue.
Il est apprécié d’avoir un esprit curieux et notamment d’avoir envie d’approfondir ses connaissances dans la spécialité.
Selon son expérience, l’IDE est amené·e à former ses pairs et à encadrer des étudiants.
Il est possible aussi de s’impliquer dans la mise à jour et l’élaboration de protocoles spécifiques à l’unité.
Selon les spécificités de l’établissement, il arrive parfois que l’IDE d’USIC soit formé·e à des vacations de bloc (pour les poses de pacemaker par exemple) ou de salle interventionnelle (parfois des vacations d’infirmière de coronarographie). Cela varie d’un établissement à l’autre selon l’organisation en place. Il est indispensable d’être formé·e aux gestes et soins d’urgence et de s’assurer de bien connaître le matériel de l’unité (la composition des kits ou du chariot d’urgence, l’emplacement du défibrillateur, la conformité des chambres avec la présence du matériel spécifique requis). Il convient de s’intéresser à ces éléments à chaque prise de poste, a fortiori si l’on prend connaissance de l’unité pour la première fois et/ou si l’on vient en qualité d’intérimaire (il existe souvent une check-list de sécurité pour le service et pour les chambres).
L’amplitude horaire dépendra des établissements et pourra aussi bien se faire sur des amplitudes de douze heures comme de sept heures trente. Certains établissements imposent également une alternance jour/nuit, aussi il est préférable de se renseigner en amont de la prise de poste.
Au vu des durées moyennes de séjour de plus en plus courtes et de l’augmentation de la proportion de patients qui sortent d’USIC directement, il est important de poser les bases d’une éducation du patient sur sa pathologie, les traitements qu’il doit suivre, les modifications à observer dans son hygiène de vie dès le séjour en soins intensifs. De même, l’USIC est le lieu idéal pour amorcer un sevrage de la consommation de tabac et l’infirmier·ère peut jouer un rôle dans la motivation du patient à initier ou poursuivre ce sevrage. (Pour rappel, les infirmier·ère·s font partie des paramédicaux habilités à la prescription des substituts nicotiniques. Des formations gratuites sur une journée sont possibles, plus d’informations sur le site de l’ordre national infirmier ou sur www.respadd.org).
Alors l’USIC, pour quel profil infirmier ?
Cette unité peut intéresser des soignants qui aimeraient découvrir les secteurs techniques mais qui préfèreraient avoir des patients éveillés (à l’inverse de la réanimation où ils sont souvent sédatés ou intubés). L’intérêt est aussi de pouvoir se spécialiser sur une fonction principale (ici la cardiologie) alors qu’en réanimation, on apprend à en gérer plusieurs.
Si l’on aime avoir un turnover de patients important et gérer l’imprévu (les admissions dans l’urgence, le patient qui décompense…) et que ça ne fait pas peur alors ce service est adapté ! Être organisé·e et savoir anticiper pour laisser la place aux imprévus est une qualité utile pour savoir gérer son stress dans ce type de service.
On peut aussi souligner l’importance d'aimer apprendre mais aussi de transmettre ses connaissances et son expérience. D’ailleurs, rassurez-vous si vous êtes intéressé·e et que vous n’avez pas d’expérience, c’est le genre de service dans lequel une attention particulière est portée à l’intégration des nouveaux soignants. Sachez aussi que différents organismes pédagogiques proposent des formations au rôle de soignant dans l’unité de soins intensifs cardiologiques.
Bien sûr, il faut aussi aimer travailler en équipe.
Les unités de soins intensifs de cardiologie sont donc des lieux passionnants qui permettent de pousser vraiment les connaissances du soignant dans la spécialité jusqu’au détail. On y retrouve un savant mélange de quotidien rythmé par les imprévus, saupoudré de technicité, le confort d’avoir de petites unités et de pouvoir connaître ses patients sur le bout des doigts et la force du travail d’équipe si important dans notre métier.
Pour compléter :
- Décret n°2022-694 du 26 avril 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité de soins critiques (pour le cadre légal)
- Site www.sfcardio.fr pour en savoir plus sur les pathologies rencontrées et les mises à jour
- Respadd ou tabac info service pour les informations, supports et formations en tabacologie
À propos du Collège des Paramédicaux
Fondé en 1999, le Collège des Paramédicaux est la communauté de la SFC qui regroupe toutes les professions paramédicales : infirmier·ère·s, diététicien·nes, kinésithérapeutes, manipulateur·rice·s en électroradiologie, puériculteur·rice·s, technicien·ne·s de laboratoire, etc. En savoir plus >>