SFC

La newsletter du Collège des Paramédicaux de juillet 2020.

Les infirmiers en pratique avancée (IPA) existent depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays. En France, depuis 2017 le gouvernement a annoncé sa volonté de créer ces nouveaux métiers et a placé les infirmiers en pratique avancée au cœur du plan d’action « Ma santé 2022 ». 
Un objectif : « organiser les prises en charge au long cours et le relais de la phase diagnostique par les différentes étapes du soin, de l’hôpital au domicile, par la prévention et par l’éducation thérapeutique du patient. »
La pratique avancée propose une réponse à l’évolution de la demande de soins, le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques, la pénurie de médecins.

Qu’en est-il de cette nouvelle profession ? Nous vous proposons aujourd’hui un petit tour d’horizon de ce nouveau métier en construction, plus particulièrement en cardiologie.

IPA mais quèsaco ?

Selon la définition du Conseil International des Infirmiers (adoptée en 2008) : « Une infirmière qui exerce en pratique avancée est une infirmière diplômée qui a acquis des connaissances théoriques, le savoir-faire nécessaire aux prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de sa profession. Les caractéristiques de cette pratique avancée sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière sera autorisée à exercer ».

Elle est en capacité de réaliser des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage, des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique, des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale, des prescriptions d’examens complémentaires, des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales.

Focus sur un métier en construction

1987 : Apparition des premières formations certifiantes d’infirmière clinicienne et de spécialistes cliniques 

2003 : Notion de pratique avancée introduite dans le rapport 

2009 : Loi HPST Coopération des personnels de santé
Le Master Sciences Cliniques en Soins Infirmiers voit le jour, c’est la première formation diplômante

2014 : Le plan cancer n°3 pose la nécessité d’Infirmières en Pratique Avancée (IPA) sur le parcours cancérologie. Besoin confirmé par la stratégie nationale de santé

2016 : Avec la loi santé et l’article 119 c’est la création de l’exercice IPA (Article L.4301-1)

2018 :    Mesure 8 du plan d’accès aux soins : il faut déployer la PA pour 2018

Publication du décret le 19 juillet 2018 : 3 mentions 

  • Pathologies chroniques stabilisés et polypathologies courantes
  • Oncologie et onco-hématologie
  • Maladie rénale et transplantation

2019 : Création d’une 4e mention : la psychiatrie
 

Quel contexte législatif ?

Rapport Berland de 2003 : « Cinq expérimentations de coopération et de délégation de tâches entre professions de santé »

LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires 

Stratégie nationale de santé 2014 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/SNS-version-courte.pdf

La loi santé est parue au JO du 27 janvier 2016, cette nouvelle loi de santé est la création en France du cadre légal de l’infirmière de pratique avancée IPA

Décret n° 2018-633 du 18 juillet 2018 relatif au diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée

Décret n° 2018-629 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée

Arrêté du 18 juillet 2018 - fixant les listes permettant l’exercice infirmier en pratique avancée en application de l’article R. 4301-3 du code de santé publique

  • relatif au régime des études en vue du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée
  • fixant la liste des pathologies chroniques stabilisées prévue à l’article R. 4301-2 du code de santé publique

Arrêté du 12 août 2019 -relatif à l’enregistrement des infirmiers en pratique avancée auprès de l’ordre des infirmiers

  • modifiant les annexes de l’arrêté du 18 juillet 2018 fixant les listes permettant l’exercice infirmier en pratique avancée en application de l’article R. 4301-3 du code de la santé publique
  • modifiant l’arrêté du 18 juillet 2018 relatif au régime des études en vue du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée

Décret n° 2019-835 du 12 août 2019 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée et à sa prise en charge par l’assurance maladie

Décret n° 2019-836 du 12 août 2019 relatif au diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée mention psychiatrie et santé mentale
 

Une nouvelle formation pour un nouveau diplôme

Prérequis :

  • 3 années d’expérience comme IDE avant ou après avoir intégré la formation IPA pour pouvoir exercer.
     

La formation :

A l’issue de la formation d’une durée de 2 ans, les étudiants qui réussissent obtiennent un diplôme d’état de grade MASTER :120 ECTS (European Credits Transfer System)
La formation, légiférée par un décret, est constituée d’apports théoriques et également de stages : 2 mois minimum la première année, 4 mois minimum la deuxième.
La première année est un tronc commun à toutes les mentions. Pour la deuxième année plusieurs choix sont possibles : 

  • Pathologies chroniques stabilisées et polypathologies courantes
  • Santé mentale
  • Oncologie et onco-hématologie
  • La maladie rénale chronique, la dialyse, la transplantation rénale.

Les stages, difficultés et positionnements

La réussite du stage et particulièrement celui en Cardiologie (pas toujours obligatoire en fonction des différentes universités) est un véritable enjeu.
La grande difficulté reste pour nos structures de trouver la juste place des étudiantes IPA. Les accueillir, les accompagner puis les évaluer en sortant de nos modèles habituels. Peu préparés à l’arrivée de ces nouveaux professionnels, il est important d’anticiper et de travailler collectivement en amont nos conceptions de cette fonction entre IDE, médecin, Cadre, conception à confronter à leur décret de compétence, pour pouvoir ainsi co-construire le stage.

Exemple de la cardiologie

Un maître de stage : Nécessaire à la coordination et organisation du stage, il peut être cadre de santé ou cadre de pôle. 

Des tuteurs de stage : Un binôme Cardiologue/ IDE est désigné comme tuteur. 

Pour un stage réussi :

  • Participation de l’étudiant aux visites séniorisées avec participation à l’examen clinique, l’observation, puis la prescription.
  • Participation aux consultations en cardiologie et chirurgie vasculaire 
  • Participation à l’activité ETP
  • Participation aux examens cliniques (doppler/ETT/écho de stress etc…)
  • Observation au bloc de cardio interventionnel

Un étudiant ayant déjà exercé en cardiologie saura plus rapidement s'approprier ces nouveaux attendus et investir le stage. Pour les autres, le challenge est dur à réussir et demande une charge de travail phénoménale pour espérer valider les 5 pathologies spécifiques à la cardio (Insuffisance cardiaque, HTA, troubles du rythme, maladie coronaire) sur un mois en première année puis un en deuxième (Exemple de l’université Aix-Marseille).

Validation des acquis tout au long du stage :

  • Validation quotidienne lors des visites et consultation par le médecin 
  • Validation finale par la présentation d’une situation clinique en fin de stage

Il est nécessaire d’effectuer des bilans réguliers tout au long du stage en présence des tuteurs et du maitre de stage pour s’assurer la validation progressive des acquisitions.

Sur quelles compétences être vigilant ?

  • Evaluer l’état de santé des patients en relais de consultations médicales pour les pathologies identifiées
  • Définir et mettre en œuvre le projet de soins du patient à partir de l’évaluation globale de son état de santé
  • Concevoir et mettre en œuvre des actions de prévention et d’éducation thérapeutique
  • Organiser les parcours de soins et de santé des patients en collaboration avec l’ensemble des acteurs concernés
  • Mettre en place et conduire des actions d’évaluation et d’amélioration des pratiques professionnelles en exerçant un leadership clinique
  • Rechercher, analyser et produire des données professionnelles et scientifiques

Quelles interventions à prioriser :

  • Orientation, éducation, prévention, dépistage et organisation des parcours.
  • Evaluations et conclusions cliniques
  • Entretiens avec le patient
  • Suivi des patients chroniques, en alternance avec le médecin

Prescription :

  • Pas de 1er recours 
  • Notion de pathologie stabilisée = pas de nouveau traitement prescrit 
  • Renouvellement traitement et ajustement de certaines posologies (dose, séquençage) et galénique, renouvellement des soins infirmiers
  • Prescription d’examens complémentaires à visée de suivi ou de prévention
  • Actes possibles par l’IPA sans prescription médicale 
  • Liste fermée des examens prescriptibles (défini par arrêté)

Et une fois diplômés : Quelle implantation ?

L’IPA issue de la filière pathologies chroniques stabilisées est une personne ressource ayant une approche multidimensionnelle des soins, proposant une prise en charge holistique des patients atteints d’une pathologie cardiaque.
Les projets d’implantation devront répondre aux enjeux territoriaux, ce qui passera forcément par une liberté d’organisation des acteurs locaux.

Quelques exemples : 

  1. En centre hospitalier universitaire (CHU), l’IPA peut avoir un poste dédié à la prise en charge du patient insuffisant cardiaque ou coronarien avec un suivi alterné avec le cardiologue et selon un protocole d’organisation défini. L’IPA pourra ainsi faire la titration des traitements et leur surveillance, participera à la télésurveillance, au programme d’éducation thérapeutique, s’assurera du parcours de santé du patient et assurera un relai performant avec la ville dans la gestion du parcours et la fluidification des flux. 
  2. L’implantation des IPA en centre hospitalier général (CHG) peut s’envisager à différentes échelles, en fonction des besoins identifiés et des objectifs institutionnels.
    Au sein d’un pôle avec des actions transversales structurées sur une ou deux spécialités
    Au sein d’un service de cardiologie, en travaillant dans son champ de compétences (HTA, IC, coronarien). Impliqué dans le suivi des patients selon des protocoles d’organisation, la coordination des parcours, la mise en place d’actions préventives et éducatives, et surtout un lien ville /hôpital fort
    Sur une pathologie unique comme IC pour des services ayant une démarche structurée ou souhaitant coordonner le parcours IC par l’élaboration et le suivi des plans de soins personnalisé.
    Un travail en lien avec les programmes ETP, en soutien de formation aux équipes et évidemment, et là aussi, un rôle prépondérant dans le lien ville hôpital ainsi renforcé (gestion de la sortie).
  3. le poste d’un IPA qui travaille en libéral au sein d’une CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé), d’une MSP (maison de santé pluri professionnelle) ou en ESP (équipe de soins primaires) sera là aussi partagé entre différentes pathologies chroniques stabilisées de patients suivis en médecine générale. L’IPAL signe un protocole d’organisation rédigé avec le (ou les) médecin traitant avec qui elle travaille, clarifiant ainsi sa place dans le parcours patient. 

L’IPA suivra donc des patients qui lui auront été confiés par un médecin. Ce travail interprofessionnel sera formalisé par la rédaction obligatoire d’un protocole d’organisation. (Décret N° 2018-629 Du 18 Juillet 2018 Relatif à l’exercice Infirmier En Pratique Avancée 2018)

Protocole d’organisation :

Le protocole d’organisation doit être co-rédigé et signé par le ou les médecins et le ou les IPA. Il permettra de définir principalement le domaine d’intervention concerné, les modalités de prise en charge des patients confiés par le médecin, les modalités et la régularité des échanges d’informations entre médecin et IPA et celles des réunions de concertation pluri-professionnelle. Ce protocole devra également définir les conditions de retour du patient vers le médecin, notamment quand la prise en charge dépasse le champ de compétence de l’IPA.
 

Conclusion

L’intégration des IPA dans nos structures représente un réel enjeu, et nécessite un vrai travail de conceptualisation du poste en amont. L’objectif n’est pas que de libérer du temps médical mais bien de structurer et améliorer le parcours des patients en y amenant un regard nouveau tourné vers une prise en charge pluri-professionnelle de qualité. 
Cette nouvelle approche holistique contribuera à redéfinir l’accompagnement du patient dans son parcours de santé, et ce, en collaboration avec tous les professionnels de santé.
Un enjeu pour demain vers un métier d’avenir !

Mme Stéphanie TURPEAU, Cadre supérieur de santé, Présidente du collège des Paramédicaux de la SFC.

Mme Elodie Falcone Nicol, Infirmière en Pratique Avancée DE, mention PCS, Membre de la SFC, administratrice ANFIPA, trésorière du CNP IPA

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