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Le GRRC a lu pour vous
par Cécile VINDIS (DR Inserm, Toulouse)

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou AOMI est une pathologie vasculaire fréquente dont la cause principale est la présence de plaques d’athérosclérose dans les artères qui assurent la vascularisation des membres inférieurs (artères fémorale, iliaque ou tibiale). En France, on dénombre 800 000 cas d’AOMI, qui sont la cause de 5000 amputations par an. On estime à 200 millions le nombre de personnes atteintes d’AOMI dans le monde. L’AOMI concerne 1 patient sur 5 de plus de 65 ans vu en médecine générale et présentant des facteurs de risque cardio-vasculaires : tabagisme, HTA, hypercholestérolémie, âge, obésité et diabète. Le risque d’AOMI est 2 à 5 fois supérieur chez le diabétique avec un risque d’amputation présent chez 7 % des patients diabétiques. En général un patient AOMI est un patient « polyartériel » qui risque d’autres complications comme l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral ou une insuffisance rénale chronique d’autant plus que l’AOMI est sous-diagnostiquée car le stade asymptomatique concerne 20 à 50% des patients. Les premiers signes de la maladie sont des douleurs aux jambes (type crampes musculaires) survenant au cours de la marche, on parle de stade d’ischémie d’effort ou claudication intermittente. L’AOMI peut évoluer vers le stade d’ischémie de repos avec des douleurs chroniques du membre inférieur, puis vers le stade ultime d’ischémie critique avec des ulcérations au niveau des extrémités et parfois de nécrose des tissus pouvant aller jusqu’à la gangrène et l’amputation du membre. Les traitements pharmacologiques au long cours sont les antiagrégants plaquettaires, les statines et les antihypertenseurs. La revascularisation par angioplastie et/ou pontage peut être entreprise au stade d’ischémie de repos ou critique.

Dans une étude publiée par McDermott et al.*, les auteurs ont évalué l’effet thérapeutique bénéfique du chocolat sur les performances de la marche de patients AOMI (étude clinique randomisée en double aveugle sur 6 mois NCT02876887). Pourquoi le chocolat et seulement le chocolat noir ? parce qu’il est riche en flavonoïdes dont l’épicatechine. 100 g de chocolat noir (par exemple à 54% de teneur en cacao) fournit 33 mg d’épicatechine. Pour rappel, les flavonoïdes sont des composés polyphénoliques naturellement présents dans les fruits et légumes et connus pour leur action antioxydante. Ils ont été largement décrits comme participant au « French paradox » du fait de leur présence dans le raisin et le vin rouge. Bien que les effets vasodilatateurs des flavonoïdes soient déjà décrits, l’effet d’une consommation chronique de chocolat noir sur les capacités de la marche des patients AOMI restait à démontrer.
Le protocole clinique a consisté à boire en 3 prises par jour pendant 6 mois une boisson au cacao (> 85% de cacao) représentant 75 mg d’épicatéchine versus une boisson placebo (même goût mais sans cacao) à des patients AOMI (âge moyen 72.3 ans). Après ajustement, les analyses montrent une amélioration significative de la distance de marche sur 6 min de 42.6 m pour le groupe Cacao versus le groupe placebo.
L’analyse des biopsies musculaires du mollet dans le groupe Cacao montre une augmentation significative de l’activité COX mitochondriale dans les tissus musculaires mais pas de PGC1-alpha ; suggérant que l’effet du cacao n’agit pas sur la biogenèse mitochondriale mais sur une amélioration de la capacité respiratoire mitochondriale. La perfusion musculaire, la densité des capillaires et la localisation des noyaux dans les fibres musculaires sont augmentées dans le groupe Cacao par rapport au groupe placebo. Ce qui est d’autant plus intéressant car il existe une corrélation entre positionnements aberrants des noyaux dans les muscles et réduction de l’efficacité de la fonction musculaire. Toutefois aucun effet sur des marqueurs du stress oxydant ou sur la croissance musculaire n’ont pu être montrés de façon significative dans le groupe Cacao malgré le rôle antioxydant de l’épicatéchine.
La rééducation à la marche représente un traitement essentiel de l’AOMI en complément des traitements pharmacologiques classiques car elle donne de bons résultats sur la qualité de vie du patient en équilibrant les facteurs de risque et en améliorant l’irrigation musculaire. L’étude de McDermottt, bien qu’elle ait des limitations du fait d’un petit nombre de patients inclus, se révèle très prometteuse en montrant qu’une simple consommation journalière de chocolat noir améliore la fonction musculaire des patients AOMI et donc à plus long terme leur pronostic vital.
Cependant, les mécanismes cellulaires et moléculaires du chocolat sur les muscles restent encore à clarifier mais on peut aussi se poser la question suivante : est que les effets bénéfiques du chocolat ne viendraient-ils pas aussi de sa richesse en tryptophane le précurseur de la sérotonine « l’hormone du bonheur » à méditer …
 
*Article publié dans Circulation Research:
McDermott MM, Criqui MH, Domanchuk K, et al. Cocoa to Improve Walking Performance in Older People With Peripheral Artery Disease: The COCOA-PAD Pilot Randomized Clinical Trial. Circ Res. 2020;126(5):589-599. doi:10.1161/CIRCRESAHA.119.315600

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