Société française de cardiologie et Société française de gériatrie et de gérontologie
M. Komajda (SFC), F. Forette (SFGG), J.F Aupetit (SFC), A. Bénétos (SFGG), G. Berrut (SFGG), J.P. Emeriau (SFGG), P. Friocourt (SFGG), M. Galinier (SFC), P. de Groote (SFC), O. Hanon (SFGG), G. Jondeau (SFC), P. Jourdain (SFC).
L’insuffisance cardiaque, pathologie fréquente du sujet âgé, est associée à un pronostic sombre. Le diagnostic clinique est compliqué par une symptomatologie atypique ou difficile à interpréter et par l’association à des comorbidités, notamment troubles neuropsychiatriques, affections de l’appareil locomoteur et des systèmes d’équilibre.
Parmi les examens complémentaires, l’échocardiographie-doppler reste sousutilisée, ou difficile à réaliser en pratique courante en dépit des renseignements fonctionnels ou étiologiques qu’elle apporte. L’atteinte de la fonction diastolique est fréquente.
Les examens biologiques usuels doivent comporter le calcul de la clairance de la créatinine, indispensable à l’adaptation des posologies de certaines thérapeutiques (IEC, digoxine, spironolactone).
L’intérêt du dosage plasmatique des peptides natriurétiques n’a pas été évalué dans les populations âgées ou très âgées, et le taux plasmatique du B type natriuretic peptide augmente avec l’âge.
Une évaluation gérontologique est indispensable afin de dépister les pathologies associées, le degré de dépendance du patient, et le dépistage systématique de la présence d’une « fragilité » est recommandé. Cette évaluation doit s’attacher à apprécier les fonctions cognitives, l’autonomie, l’état somatique, le contexte de vie et la prise en charge médico-sociale.
Les objectifs généraux du traitement restent applicables au sujet âgé : amélioration de la qualité de vie, réduction de la mortalité, du nombre et de la durée des hospitalisations, ralentissement de la progression de la maladie. Chez le sujet âgé fragile, l’amélioration symptomatique doit être l’objectif primaire.
Le rapport bénéfice/risque des associations thérapeutiques doit être soigneusement pesé sur une base individuelle et faire l’objet de réévaluations régulières.
Faute d’études spécifiquement consacrées au sujet âgé ou très âgé, la majorité des recommandations est extrapolée de données fondées sur les preuves obtenues sur des populations plus jeunes.
Des précautions particulières d’utilisation des médicaments de l’insuffisance cardiaque sont nécessaires en raison de facteurs comorbides et de modifications pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques liées au vieillissement.
L’augmentation des posologies doit être prudente et soigneusement surveillée à la recherche d’effets secondaires. Fondamentalement, la stratégie de prise en charge de l’insuffisance cardiaque du sujet âgé est identique, dans ses modalités, à celle du sujet plus jeune.
Les règles nutritionnelles doivent être plus souples que celles utilisées chez le sujet plus jeune afin, notamment, d’éviter le risque de dénutrition induit par les régimes désodés stricts.
Les programmes thérapeutiques faisant intervenir des équipes multidisciplinaires réduisent le nombre et la durée des hospitalisations et les coûts générés par la pathologie.
La prévention de l’insuffisance cardiaque du sujet âgé repose sur la prise en charge précoce des facteurs étiologiques. Le traitement efficace de l’hypertension artérielle est dans ce contexte particulièrement important. Avec le vieillissement des populations, l’insuffisance cardiaque dont l’incidence augmente avec l’âge représente un problème majeur de santé publique. En France, le nombre de malades avec une insuffisance cardiaque a été estimé à 500 000 en 1991, avec la survenue de 120 000 nouveaux cas par an, dont les deux tiers sont âgés de plus de 75 ans [1]. La prévalence de la maladie passe de 1 % dans la 6e décennie à 10 % dans la 9e.
L’insuffisance cardiaque est une pathologie dont le pronostic reste sombre, surtout chez les sujets âgés, et sa prise en charge est compliquée par la polypathologie souventa associée. Globalement, le taux de mortalité augmente avec l’âge, de 27 % par décennie chez les hommes et de 61 % par décennie chez les femmes [2]. Chez des sujets âgés de 89 ans en moyenne, hospitalisés pour insuffisance cardiaque, la mortalité est de 87 % au terme d’un suivi de 1,1 an, avec une moyenne de survie de 4 ± 4 mois [3].
La fréquence de l’insuffisance cardiaque diastolique augmente avec l’âge [4] et chez les insuffisants cardiaques de plus de 75 ans, la fonction systolique du ventricule gauche est normale dans près de 50 % des cas [5]. L’étiologie de l’insuffisance cardiaque est souvent plurifactorielle.