Depuis la première implantation du défibrillateur ventriculaire par Mirowski et coll. en 1980 pour traiter des troubles du rythme ventriculaires graves [1], de nombreux travaux incluant des études randomisées ont démontré son utilité dans la réduction de la mortalité subite et de la mortalité totale tant pour la prévention primaire (MADIT, CABAG-PATCH, MUSTT) que secondaire (AVID, CIDS, CASH). Ainsi, l’étude AVID [2] a montré que le défibrillateur implantable est supérieur au traitement antiarythmique pour prolonger la survie des patients qui ont survécu à des troubles du rythme ventriculaires malins.
En effet, la survie à 3 ans était de 84 % dans le groupe traité par défibrillateur implantable et de 76 % pour les patients traités par antiarythmiques, ce qui est significativement plus bas. Dans l’étude CIDS contre l’amiodarone [3, 4], plus récente, la réduction de 20 % de la mortalité totale et de 33 % de la mortalité rythmique n’atteint pas le seuil statistique pour la population totale, mais seulement pour les patients classés à haut risque par l’analyse a posteriori : ce sont ceux qui ont au moins deux des trois facteurs de gravité identifiés (âge = 70 ans ; FEVG = 35 % ; classes NYHA III ou IV). L’étude CASH en cours de publication avait confirmé la nocivité des antiarythmiques de classe I en prévention secondaire, par rapport à l’amiodarone, aux bêtabloquants et au défibrillateur.
Pour la prévention primaire, l’étude MADIT [5] a montré que chez les patients ayant une séquelle d’infarctus du myocarde avec atteinte de la fonction ventriculaire (FEVG = 35 %) et des troubles du rythme ventriculaires soutenus déclenchables, le défibrillateur implantable prophylactique réduisait la mortalité de 59 % par rapport au traitement médical conventionnel.
Dernièrement, l’étude MUSTT [6], réalisée chez le même type de patients que la précédente, a montré que seul le défibrillateur prophylactique permettait de réduire la mortalité de plus de 50 %, même par comparaison à un traitement médical d’efficacité contrôlée par des tests électrophysiologiques sériés. L’étude CABG-PATCH [7] chez les patients opérés pour pontages aorto-coronaires avec FEVG = 35 % et potentiels tardifs, ne montre pas de différence de mortalité totale et seulement une petite différence de mortalité rythmique. Cela confirme la valeur prédictive des manœuvres électrophysiologiques provocatrices chez de tels patients, critère de sélection qui n’a pas été utilisé dans cette étude, contrairement aux deux autres.
Les critiques dont certaines de ces études ont pu faire l’objet, en particulier concernant le traitement médical auquel était comparé le défibrillateur, paraissent justifiées, notamment au regard des résultats de la dernière étude CIDS. Néanmoins, ces études montrent de façon concordante l’intérêt et la supériorité du défibrillateur implantable sur certains médicaments disponibles pour prévenir la mort subite et réduire la mortalité totale chez certains patients à haut risque de troubles du rythme ventriculaires. On peut seulement remarquer qu’il n’y a pas de travail disponible sur l’effet des techniques d’ablation des tachycardies ventriculaires sur la mortalité, et donc que la place de cette technique dans notre arsenal thérapeutique reste à préciser. Ces études contrôlées ont amené les sociétés savantes américaines à revoir les indications du défibrillateur implantable et, récemment, elles ont publié leurs indications résultant d’un consensus d’experts [8]. Celles-ci modernisent et remplacent les précédentes qui ont pu être publiées par d’autres organismes [9, 10] ou une précédente task-force de la même origine [11], prouvant ainsi que les indications de la technique s’affinent avec le temps au fur et à mesure que les évidences de son efficacité augmentent.
Il a donc paru approprié au groupe de travail de rythmologie de la Société française de cardiologie, plutôt que de multiplier les documents de consensus, de voir si les experts français sont d’accord avec les conclusions des derniers documents publiés, étant entendu que les éventuelles différences de vues avec les collègues américains, outre la prise en compte des études publiées ultérieurement, sont surtout à rapporter à des variations locales de l’exercice de la médecine, et donc à des divergences d’ordre culturel bien plus que scientifique.
Voici donc, d’une part, la traduction littérale des indications actuelles de la technique vues par les collègues américains (tableau I) et, d’autre part (tableau II, page 4), ces mêmes indications adaptées à la France, telles qu’elles résultent des échanges de vues au sein du bureau du Groupe de travail.
La subdivision en 3 classes et 3 niveaux de preuves selon les définitions américaines a été adoptée.